Mieux déceler la détresse psychologique dans les casernes

Au quotidien, les pompiers sont confrontés à des scènes difficiles et il n’y a pas que les graves accidents mortels qui marquent les esprits. Ces images laissent des blessures invisibles qui doivent être traitées au même titre que les brûlures. « Il y a les événements tragiques qui laissent des images malheureuses. Mais ça peut arriver que tu sois moins alerte au travail si ta mère souffre d’un cancer en phase terminale ou si tu es en processus de divorce. Il ne faut pas garder tout ça à l’intérieur », souligne le capitaine de la caserne de Sainte-Brigitte-de-Laval, Sébastien Rayé. Comme un psychologue ou autre professionnel ne peut être présent dans les casernes 24 heures sur 24, quelqu’un doit faciliter les premières étapes, tendre une première main.

Grâce à la formation Pairs aidants, des pompiers de trois municipalités de Québec pourront mieux détecter les signes de détresse de leurs collègues, qu’ils soient petits ou grands. L’organisme La Vigile offre ce programme pour les employés des services d’urgence. L’objectif est de soigner les blessures avant qu’elles ne soient trop grandes et qu’elles entraînent des conséquences dans leur vie professionnelle comme personnelle.

« À l’époque, on s’assoyait autour d’une table et on parlait. C’est beau, mais ça ne règle pas tout », témoigne avec émotion Moïse Mayer, directeur du Service de sécurité publique de Sainte-Brigitte-de-Laval. Il compte plus de 20 ans de carrière. C’est connu, il y a beaucoup de divorces dans le milieu des pompiers. Les premiers répondants apportent les problèmes à la maison à la place d’en discuter avec des professionnels. Il faut aussi dire qu’il y a cet espèce d’orgueil toujours omniprésent dans les métiers d’urgence. « On est capable d’en prendre, on répond présent chaque fois que quelqu’un a besoin d’aide. Mais, quand un pompier a besoin de support, c’est quoi les mécanismes ? On a quoi pour le soutenir ? », souffle M. Mayer.  

« On est tous des êtres humains, ajoute-t-il. Notre capacité à emmagasiner le stress et la pression est peut-être supérieure en raison de nos fonctions, mais ça reste que l’éponge est pleine à un moment donné ».

Le capitaine Sébastien Rayé et le directeur Moïse Mayer

Une première main tendue

Les pompiers de Lac-Beauport et Stoneham se sont joints à ceux de Sainte-Brigitte-de-Laval pour la journée de formation, qui s’est tenue le 28 mars dernier.

Les services incendie des trois municipalités sont déjà de proches partenaires au quotidien. Il était tout naturel qu’ils s’associent pour ce type de formation. Ainsi, quatre membres des casernes des trois villes ont participé aux activités pour un total de 12 pompiers et membres du personnel. Les pompiers qui ont suivi la formation Pairs aidants peuvent maintenant détecter les signes de détresse, puis trouver les bons mots pour intervenir, s’informer, guider les collègues vers les bonnes ressources.Après une dure intervention, il leur apparaît plus évident de s’informer de l’état des troupes. L’accumulation de plusieurs petits pépins est souvent plus difficile à remarquer.

Service maintenant essentiel

Sébastien Rayé et Moïse Mayer espèrent que personne ne « tombe entre les craques ». Cette formation leur permet de bien s’occuper de leurs collègues, avant que « quelque chose tourne au drame ». Ils souhaitent discuter publiquement de cette initiative pour encourager d’autres services d’urgence à s’informer auprès de La Vigile. L’organisme a déjà fait son entrée dans d’autres services incendie de la province, dans les plus grandes villes comme Lévis, notamment.

Source : Le Soleil