« Appelez-moi Lise ...»

 

 « Lise Payette,une grande pionnière rend l'âme »

titrait le journal Le Quotidien le matin du 6 septembre 2018
La journaliste Jocelyne Richer y fit son éloge.

Une grande pointure québécoise nous quitte

Cette dame significative me ramène à René Lévesque et à ses quelques compagnons qui tinrent le fort indépendantiste pendant quatre longues années sous Robert Bourrassa et ses libéraux. Ils n’étaient qu’une poignée et ils remportèrent pourtant une victoire éclatante en novembre 1976. 

Aujourd’hui, 42 ans plus tard, la voilà partie et je crois qu’on lui doit et qu’on lui devra toute une reconnaissance pour la tâche immense qu’elle a accomplie dans un monde politique pour le moins exigeant, parfois bien cruel et peu ou prou indulgent et à l’écoute.

Madame Payette ne peut laisser  indifférent quiconque l’a connue et ce, quelles que soient les raisons qui nous ont fait parfois grincer des dents au regard de certaines paroles ou articles aux contenus discutables qu’elle a commis ou pu commettre.

Pugnace, éveillée, audacieuse dans une société timorée, articulée et aimante, elle a su insuffler à notre démocratie québécoise un souffle d’air frais et de liberté. Communicatrice hors-pair, cette « Dame de Coeur » sut faire progresser les nombreuses causes qui lui tinrent toujours à COEUR.

Réalisations et parcours

Ainsi, outre ces deux émissions phare de l’époque : Place aux femmes et Appelez-moi Lise, on lui reconnaît la naissance de l’assurance-automobile et son

« no fault », un plus large accès aux fameuses garderies, une contribution visible au souvenir québécois en faisant inscrire le « Je me souviens » sur nos plaques d’immatriculation en remplacement de la Belle Province, les noms de famille doubles... sans oublier sa présence intelligente dans les Dames de Coeur et le portrait typé d’un Jean-Paul Belleau.

Gardienne des droits des femmes 

Une femme d’envergure comme il en existe beaucoup mais qu’on ne connaîtra sans doute  jamais. Une femme à la voix douce et posée, au franc parler, et qui a vu passer bien « des rondelles et des lancers frappés » sur la patinoire politique où on ne fait pas souvent de quartier et une certaine fois sur une vraie, habillée comme une gardienne de but. Ce fut une gardienne des droits des femmes, c’est certain.

Militante socio-démocrate, peut-on lire dans l’article de Jocelyne Richer, elle a su, à l’instar de bien des femmes qui travaillent dans l’ombre ou à découvert, demeurer fidèle à ses convictions et n’a jamais trahi ou tordu son message.

La conscience féminine, un phare dans notre société malade ?

Des consciences féminines très intenses sont toujours au front. Je songe, entre autres, à Françoise David et à Manon Massé et ne peut qu’être en parfait accord avec leur discours concret, crédible, humaniste et honnête. Ces femmes et leurs sosies, plus ou moins connus, font partie de cette relève qui tient un discours profondément concret. Leurs propos nous permettent d’envisager et de définir, à court ou moyen terme, de nouveaux paradigmes porteurs d’espoir pour toutes et tous.

 

« Est-ce que je peux vous être utile ? »

En novembre 1976, Lise Payette s’empare du téléphone et appelle René Lévesque en lui lançant cette simple question. Cet appel à un homme politique important est, tout à la fois, d’une simplicité et d’une force désarmantes.

Que René Lévesque l’ait reçue comme députée et ministre de son premier cabinet, est toute une référence quant à sa réputation et à ses nombreuses compétences. 

Victoire du Parti Québécois de René Lévesque

Le 15 novembre 1976, l’appel avait été entendu par René Lévesque puisque Lise Payette était élue au sein du jeune parti qui, tel un tsunami, submergea le PLQ. Non seulement était-elle désormais députée, mais Lévesque lui confiait un ministère l’accueillant ainsi dans le saint des saints, c’est-à-dire le Conseil des Ministres. Une femme seule au milieu d’un monde d’hommes, mais elle avait de quoi tenir et monsieur Jacques Parizeau fut pour elle un allié fidèle au ministère des Finances.

Un seul mandat ministériel

En un seul mandat ministériel, cette femme étonnante bien que faillible fut tour à tour ministre des Consommateurs et  des Coopératives et Institutions

financières.  Elle a pu aussi revoir et élargir la Protection du Consommateur et le codifier en bonne et due forme. C’est cette ministre péquiste qui « ira jusqu’à introduire au sein de 12 ministères, un bureau de la condition féminine ». Faut le faire dans cette jungle politique où chacune et chacun tire de son côté la couverture commune.

« Le Pouvoir, connais pas ! » 

Directrice de sa maison de productions pendant deux décennies (1980-1990), elle se consacra à l’écriture. On lui doit entre autres « Le Pouvoir, connais pas ! », publié en 1982, où elle relate sa vie politique. Aussi, « Des dames d’honneur », une trilogie (1997-1999).

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié la chroniqueuse qu’elle fut au Devoir avant qu’elle ne doive le quitter à son grand dam car un différend plutôt lourd avait conduit à son départ. Dommage...

J’ai également apprécié la substance de ses écrits et leur pertinence. Madame Lise Payette a toujours travaillé à visière levée et elle avait, profondément ancré en elle, le sens des responsabilités. Celui-ci s’est traduit dans le deuxième recueil de ses chroniques sous le titre quelque peu ironique de « Le Sens du devoir...», après son départ de ce quotidien québécois de renom.

L’Histoire du Québec...

J’espère que nos écoles et notre ministère de l’Éducation feront connaître à nos enfants et adolescents la lutte passionnée de Lise Payette pour qu’on traite les femmes avec respect, discernement, équité et honnêteté sans omettre l’humanisme qui accompagne ces valeurs.

J’espère que nous saurons nous souvenir d’elle en suivant les voitures « JE ME SOUVIENS ».

Merci madame Lise Payette pour votre courage, votre franchise, votre engagement au service du Québec et de toutes ses femmes qui luttent toujours pour que changent les vieux modèles de cohabitation.

Sur les traces de madame Payette, des jeunes femmes se lèvent et continueront à le faire pour réclamer une véritable justice distributive au Québec et ailleurs sur notre planète.

Photo 1 :  Radio-Canada/Karine Dufour Lise Payette à Tout le monde en parle en 2016 

Photo 2 : Paul-Henri Talbot, archives La Presse, Lise Payette en 1976