Une crise du recyclage amenant une modernisation

En examinant le contenu des bacs de recyclage reçus dans les centres de tri du Québec, nous aurons une bonne idée de ce qui a pu causer une crise : « On voit toutes sortes de cochonneries qui ne vont pas dans le recyclage », témoigne un employé d’Environnement routier NRJ, en charge de la collecte.

Le problème est d’autant plus important que les pays d’Asie refusent de plus en plus les matières recyclées mal triées provenant des pays développés. La Malaisie par exemple, vient de retourner 150 conteneurs de déchets plastiques illégaux vers leur pays d’origine, dont 11 au Canada. En Inde, c’est le papier qui est aussi boudé. La matière est trop contaminée.

La source du problème est que toutes sortes de matières non recyclables se retrouvent dans le bac.
On y retrouve parfois papier, carton, plastique, aluminium, mais aussi souvent des matières compostables et du bois, quand ce n’est pas carrément des déchets.

Cette situation force les centres de tri à acheter de nouveaux équipements. Récup Estrie vient d’investir 2,7 millions de dollars dans l’achat de deux trieuses optiques. Le président de Récup Estrie, espère atteindre la cible de moins de 5 % de matières contaminées grâce à cet achat. « C’est ce que les papetières demandent pour pouvoir prendre notre matériel », précise-t-il.

RSC se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers et les compagnies. Rebuts Solides Canadiens (RSC) exploite deux centres de tri à Montréal, un à Saguenay et un à Châteauguay. Ces installations traitent les matières issues de la collecte sélective provenant de 26 municipalités.

Pour Nicolas Chaput, directeur du Service de gestion des matières résiduelles, l’annonce faite le 3 février par RCS, qui appartient au Groupe TIRU, n’a pas été « une grande surprise » puisque leur situation était devenue difficile à gérer à cause de la valeur des matières qui diminuait : « Un ballot de papier qui valait, par exemple 200 $, en vaut maintenant 3 $ ou même moins ».

Québec prête sept millions

Le gouvernement a consenti à prêter sept millions à Rebuts Solides Canadiens (RSC) afin de permettre à l’entreprise de continuer à exploiter quatre centres de tri menacés de fermeture jusqu’à ce que des repreneurs soient trouvés.

« Ce retrait doit se faire en assurant le maintien des activités de collecte et de tri. Il est essentiel pour nous de maintenir la confiance du public à l’égard de la collecte sélective et d’éviter une interruption des services », a fait valoir la présidente-directrice générale de Recyc-Québec, Sonia Gagné. Son organisme versera donc deux millions à RSC, tandis que le ministère de l’Environnement fournira cinq millions à l’entreprise. « En contrepartie de ce prêt maximal de sept millions, le gouvernement a obtenu des garanties d’une valeur de huit millions de dollars sur certains des actifs de l’entreprise », a précisé Québec.

Une consigne élargie

Le 30 janvier dernier, le gouvernement Legault a donné un premier coup de barre en instaurant une consigne élargie au Québec pour toutes les bouteilles et canettes, y compris les bouteilles d’eau, de vin et de spiritueux ainsi que les contenants de carton multicouches. Par conséquent, tous les contenants de verre, de plastique ou de métal de 100 millilitres à deux litres feront bientôt l’objet d’une consigne de 10 ¢, sauf les bouteilles de vin et de spiritueux dont la consigne sera de 25 ¢.

Cette mesure permettra d’augmenter le taux de récupération de ces bouteilles qui se retrouvent bien souvent dans les dépotoirs. Plus de quatre milliards de contenants seront désormais consignés chaque année.

Réforme du système de collecte sélective

« Les entreprises deviendront responsables de leurs produits du début à la fin du cycle de vie. Elles prendront donc en charge leur récupération, leur tri, leur conditionnement et leur recyclage. » a déclaré Benoit Charrette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, le 11 février dernier.

Ce principe « de la responsabilité élargie des producteurs » permettra d’améliorer la performance du recyclage au Québec. Une enveloppe de 30,5 millions est disponible pour aider et moderniser les centres de tri, ainsi que pour trouver des débouchés pour les produits recyclés.

Le gouvernement québécois veut que 75 % des matières recyclables le soient d’ici 2025 et que ce niveau atteigne 90 % d’ici 2030. « Des pénalités ou l’obligation d’investir dans l’amélioration du système seront prévues en cas de non-atteinte des objectifs ».

La meilleure façon de combattre la contamination des matières demeure un tri efficace à la source.

Les producteurs d’emballages, de contenants ou d’imprimés devront conclure des ententes avec les municipalités pour la collecte.  C’est RECYC-QUÉBEC qui agira pour le compte des entreprises et qui devra s’assurer que les objectifs soient atteints. « Il est très important de regagner la confiance du public envers la gestion de nos matières recyclables » a dit le ministre Charrette par communiqué.

Ainsi, les réformes proposées permettront de générer davantage de matières de qualité qui pourront être plus facilement valorisées, de réduire le recours à l’enfouissement et d’assurer une performance économique et environnementale accrue de tous les acteurs de l’industrie québécoise de la récupération et du recyclage.

« Cette responsabilisation devrait inciter les producteurs à mettre sur les marchés des produits nécessaires, recyclables et répondant véritablement aux besoins de nos recycleurs afin d’ajouter une valeur ajoutée le plus localement possible », a affirmé Denis Blaquière, président du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets. Il précise toutefois que le succès de cette initiative dépendra du cadre réglementaire et de son application, qui ne seront connus qu’à l’automne 2022.