Depuis notre départ d’Ottawa, le paysage est en constante évolution. Des monts verdoyants aux lacs et rivières étincelants, nous sommes passés, à l’approche d’Iqaluit aux montagnes dénudées où la neige engorge les ravins. Après l’escale d’Iqaluit, alors que nous approchons de Pond Inlet, les eaux bleutées de la baie Frobisher à moitié dégelée font place à un monde minéral recouvert de glace. Une succession de sommets enneigés coiffant des fjords profonds pris par les glaces, offrent des vues à couper le souffle aux quelques passagers du petit aéronef qui nous transporte.

           L’avion entame sa descente sur le village et déjà la vue est saisissante par cette ceinture de montagnes d'un blanc immaculé qui domine la ville. Pond Inlet se situe à hauteur du 72e parallèle soit à 1 932 km du pôle Nord seulement. Ce hameau de quelques 1700 âmes comprend deux églises, une école, une bibliothèque et deux épiceries dont l’une, appelée Coop, est très fréquentée par la population Inuit qui réside à ces latitudes depuis un ou deux millénaires seulement ! Les rues ne sont pas goudronnées et aucun trottoir. L’acheminement de toutes les denrées, du matériel et des matériaux se fait par avion à l'année ou bien par bateau en été. Mieux vaut être prévoyant ! L’éloignement des communautés Inuites accrochées au Septentrion fait du nord de la Terre de Baffin une destination très onéreuse.

          Steve, notre guide, est là à m’attendre dans la petite salle de l’aéroport. Dès la réception des bagages, nous partons vers l’hôtel. Le briefing se fera après le souper puis nous irons nous reposer avant le départ pour la banquise. Avant de regagner nos chambres, petit tour dans Pond Inlet, en bordure du détroit isolant la ville de l’île Bylot qui fait partie du parc national Sirmilik ! Malgré l’heure avancée de la soirée, le soleil est encore haut dans le ciel. De nombreux enfants se sont retrouvés dans la rue et jouent au bord de l’eau. Leurs éclats de rire retentissent dans le village. Les petits Inuits sont très joueurs et très rieurs.

          Au petit matin, après un petit déjeuner copieux, nous sommes amenés en bas de Pond Inlet, là où se retrouvent tous les Inuits en partance pour la chasse ou la pêche. Les préparatifs vont bon train et nous chargeons les qamutiq. Un qamutiq ressemble à une sorte de gros sabot taillé au carré. Il est tiré par une motoneige à l’aide d’une simple corde. Ce véhicule est très pratique pour les Inuits qui l’utilisent pour transporter matériel de chasse et de pêche. C’est aussi un abri en cas de tempête.

          En fin de matinée l’équipée s’élance sur ce long ruban de glace que forme le détroit de l’Eclipse (nom du premier bateau qui navigua dans ces eaux). Il ceinture élégamment l’île Bylot et nous mènera jusqu’à la Pointe Button, jusqu’à l’océan gelé, jusqu’à la banquise !

          Après un parcours de trois heures entre montagnes et glaciers et un pique-nique au pied du mont Herodier, nous arrivons à une cache où est entreposé le gros du matériel nécessaire au dressage du camp de base.

           Afin d’être isolés de la glace et de l’eau de fonte, il est placé une planche de contre-plaqué sous chaque tente. À l’aide de grands clous robustes pour s’enfoncer dans la glace, nous fixons solidement les tentes et recouvrons chaque clou de neige pour les maintenir au froid. De même, nous bordons le tour des tentes d’une couche de neige pour ralentir la fonte.Même technique pour monter les deux grandes tentes qui serviront, l'une de cuisine et l'autre de salle à manger, causerie et base de recharge des batteries. Chauffée, nous apprécierons le confort et la convivialité qui se dégagera de cette dernière tout au long du séjour. Ce camp est  à peine organisé que déjà une collation faite de fruits, fromages, croustilles, café, thé et tisane nous attend, finement placée sur une table de camping. Des sièges de plage font face à l’immensité septentrionale et nous invitent à un moment de détente très apprécié dans ce décor féerique.

         Nous sommes également encadrés par trois Inuits. Jack est le chef d'expédition.  Don, toujours en tête des trois qamutiq, sera notre guide sur la banquise à chacune de nos sorties. François est le guetteur. Il surveillera le camp pendant que nous dormirons. Armé de son fusil, du haut de la montagne qui surplombe le bivouac, François veillera à ce qu’aucun ours polaire ne vienne troubler la quiétude de notre campement. Pour notre sécurité à tous, François ne dort jamais (ou presque) et surveille les ours qui rodent !

         Nos guides spécialistes de l’Arctique nous proposent une sortie d’exploration pour la fin de la journée ce que nous acceptons sans nous faire prier. Après le dîner, nous embarquons à deux par qamutiq et nous voilà partis pour une première exploration sur la banquise. La motoneige démarre, le qamutiq s’ébranle, c’est alors que commence une procession dans ce décor grandiose.